Antimatière : le CERN bat un record avec 15 000 atomes d’antihydrogène produits en 7 heures

Le CERN a annoncé une avancée qui change le rythme des recherches sur l’antimatière. La collaboration ALPHA a produit plus de 15 000 atomes d’antihydrogène en moins de sept heures. Cette performance multiplie par huit le rythme de production et porte le total à plus de 2 millions d’atomes fabriqués lors des campagnes 2023‑2024.

Un record qui transforme l’antimatière en outil de laboratoire

La production rapide permet désormais d’envisager des campagnes expérimentales régulières. Jusqu’alors, les équipes mettaient plusieurs jours, voire des semaines, pour rassembler un nombre comparable d’atomes. À présent, les chercheurs accumulent suffisamment d’antihydrogène en quelques nuits, puis effectuent des mesures le lendemain.

Pourquoi cette avancée compte

Depuis la prédiction de l’antimatière par Paul Dirac en 1928, la physique cherche à expliquer l’asymétrie matière‑antimatière. Si l’antimatière et la matière se révèlent identiques, plusieurs scénarios cosmiques perdent leur plausibilité. En revanche, une différence, même minime, indiquerait une nouvelle physique. Dès lors, produire plus d’atomes accélère les tests critiques.

Les techniques derrière le saut qualitatif

ALPHA a introduit un procédé de refroidissement des positrons qui change la donne. Les équipes refroidissent des ions de béryllium par laser, puis utilisent ce nuage pour abaisser la température des positrons par refroidissement sympathique. Les positrons atteignent environ -266 °C. Cette faible température augmente la probabilité d’association avec les antiprotons piégés.

De plus, les chercheurs utilisent des pièges de type Penning pour confiner antiprotons et positrons. Ensuite, des systèmes de contrôle et de détection en temps réel capturent et comptent les atomes d’antihydrogène produits.

Résultats chiffrés et portée

  • 15 000 atomes créés en moins de sept heures (technique publiée en novembre 2025 dans Nature Communications).
  • 2 millions d’atomes produits en 2023‑2024 lors des campagnes expérimentales.
  • Multiplication par 8 du rythme de production par rapport aux méthodes précédentes.

Jeffrey Hangst, porte‑parole d’ALPHA, a déclaré : « Ces chiffres auraient relevé de la science‑fiction il y a dix ans ». Et Niels Madsen, responsable du projet de refroidissement, précise : « La nouvelle technique change véritablement la donne pour nos mesures. Nous pouvons accumuler de l’antihydrogène pendant la nuit et mesurer une raie spectrale le lendemain ».

Objectifs scientifiques immédiats

Avec ces stocks importants, les équipes multiplient les mesures spectroscopiques de l’antihydrogène. Elles visent des précisions jamais atteintes. Par ailleurs, l’expérience ALPHA‑g examine l’effet de la gravité sur l’antimatière. Les chercheurs cherchent à savoir si l’antimatière « tombe » comme la matière. Le résultat influera sur notre compréhension des symétries fondamentales et sur la validité des principes actuels.

Impacts sur la cosmologie et la physique fondamentale

Ces progrès ouvrent plusieurs voies. D’abord, les tests de la symétrie CPT (Charge‑Parité‑Temps) deviennent plus robustes. Ensuite, la capacité à produire massivement de l’antihydrogène augmente la probabilité de détecter des écarts minimes entre matière et antimatière. Enfin, une différence confirmerait l’existence d’une physique au‑delà du Modèle standard.

Technologies clés

  • Pièges magnétiques Penning pour la confinement.
  • Refroidissement laser des ions béryllium.
  • Refroidissement sympathique des positrons.
  • Systèmes de détection en temps réel pour monitorer la production.

Chronologie récente

  • 1928 : Paul Dirac prédit l’existence de l’antimatière.
  • 2023‑2024 : Plus de 2 millions d’atomes d’antihydrogène produits au CERN.
  • Novembre 2025 : Publication sur la technique permettant 15 000 atomes en moins de 7 heures.
  • 2025 (en cours) : Utilisation des stocks pour l’expérience ALPHA‑g.

Conséquences pour la recherche et l’infrastructure

La montée en cadence de la production d’antihydrogène impose de nouveaux standards expérimentaux. Les équipes adap-tent leurs routines d’analyse et leurs systèmes de stockage. Parallèlement, ces avancées renforcent les arguments en faveur du futur collisionneur circulaire (FCC). Un tel infrastructure bénéficierait d’une communauté expérimentale plus active et d’un ensemble de techniques éprouvées.

Suite des opérations

ALPHA concentrera ses efforts sur des mesures spectrales plus fines et sur l’expérience ALPHA‑g. Les résultats à venir devraient préciser si la gravité agit différemment sur l’antimatière. Ces données résoudront au moins partiellement la question de l’asymétrie cosmique.