La Chine appelle ouvertement à se détourner des puces américaines Nvidia et AMD, malgré un accord inédit soutenu par Washington pour reprendre leur exportation vers le marché chinois. Cette prise de position, relayée par les médias d’État, marque un nouveau tournant dans la guerre technologique entre les deux superpuissances.
Un compromis inédit entre l’Amérique de Trump et les géants du semi-conducteur
En juillet 2025, sous la houlette de Donald Trump, les États-Unis ont accordé à Nvidia et AMD des licences d’exportation conditionnées pour vendre leurs puces électroniques avancées à la Chine. En retour, les deux groupes américains s’engagent à reverser 15 % de leur chiffre d’affaires généré sur le sol chinois directement à l’État fédéral.
Cette reddition commerciale s’applique aux puces destinées à l’intelligence artificielle, dont la H20 de Nvidia et la MI308 d’AMD, précédemment interdites depuis avril 2023 pour des raisons de sécurité nationale.
Donald Trump a confirmé cette initiative le 11 août 2025, dévoilant même les coulisses d’une négociation directe avec Jensen Huang, PDG de Nvidia. « Il voulait 15 %, j’avais demandé 20 % », a-t-il rapporté.
Une réponse chinoise ferme : suspicion et appel au boycott
Mais cette concession américaine n’a pas trouvé écho favorable en Chine. En août 2025, les médias d’État chinois ont diffusé des messages appelant implicitement au boycott des puces Nvidia et AMD. Diffusés sur CCTV et WeChat, ces messages ont mis en cause la fiabilité, la sécurité et l’efficacité de ces composants américains.
Les arguments avancés s’articulent autour de trois axes :
- Technologie dépassée et peu économe en énergie.
- Présence supposée de portes dérobées intégrées dans les puces, permettant potentiellement aux États-Unis d’espionner ou de désactiver les dispositifs.
- Appel à la construction d’un écosystème national sécurisé, indépendant des technologies occidentales.
Cette position souligne la détermination de Pékin à réduire sa dépendance technologique vis-à-vis de Washington, en particulier dans des secteurs stratégiques comme l’intelligence artificielle et les infrastructures numériques.
Le dilemme économique et stratégique des géants technos
Le marché chinois représente une part significative des revenus des deux entreprises concernées. En 2024, Nvidia y a généré 17 milliards de dollars, soit 13 % de son chiffre d’affaires global. AMD, quant à elle, a recueilli 6,2 milliards de dollars, ce qui représente 24 % de ses ventes totales.
Ce nouvel accord leur permet de maintenir leur activité en Chine, malgré les contraintes supplémentaires imposées par Washington. Toutefois, les appels au boycott mettent en péril cette stabilité retrouvée. Les entreprises doivent désormais composer avec une double pression : les exigences réglementaires américaines et la méfiance croissante des autorités chinoises.
L’émergence d’un front technologique divisé
Ce bras de fer illustre une vérité plus large et persistante : le monde de la haute technologie se segmente de plus en plus entre sphères d’influence concurrentes. Dans cet échiquier géopolitique, les semi-conducteurs jouent un rôle central, à la fois moteur économique et levier stratégique.
Alors que les États-Unis posent des barrières commerciales à double usage — sécurité et fiscalité — la Chine réplique en accélérant sa stratégie d’indépendance technologique. Une course qui s’intensifie, alimentée par une suspicion mutuelle et une volonté affirmée de domination numérique.
Au-delà des tensions politiques, cet épisode met en relief un phénomène plus large : la fragmentation du marché mondial des technologies. Les entreprises comme Nvidia ou AMD doivent évoluer dans un environnement où les considérations géopolitiques pèsent autant que l’innovation.
Un précédent sans retour dans le secteur technologique
Le mécanisme de prélèvement mis en place par les États-Unis constitue aussi un précédent unique : jamais une taxe directe sur les revenus d’un secteur stratégique à l’international n’avait été imposée de cette manière. Certains experts du secteur y voient un glissement vers une nouvelle forme de contrôle commercial, mêlant souveraineté économique et stratégie diplomatique.
Pour Nvidia et AMD, l’équation devient complexe. Conserver une part du plus grand marché mondial tout en satisfaisant les exigences de Washington implique un subtil équilibre, rendu encore plus délicat par les messages officiels de Pékin.
Conclusion
Alors que le feu vert américain aux ventes de puces semblait une bouffée d’oxygène pour Nvidia et AMD, la réaction de la Chine vient d’ajouter une nouvelle couche d’incertitude. L’appel au boycott renforce l’hypothèse d’un découplage technologique durable entre l’Orient et l’Occident.
Dans cette nouvelle ère de la compétition stratégique, les composants électroniques ne sont plus simplement les rouages invisibles du numérique. Ils deviennent des pièces maîtresses d’un échiquier où chaque mouvement redéfinit les règles du commerce, de l’innovation et de la souveraineté numérique globale.
