L’intelligence artificielle (IA) générative, moteur de la nouvelle révolution technologique, redessine la cartographie du marché du travail. Mais alors que certains saluent son potentiel de croissance, d’autres alertent sur ses effets inégaux. Selon de récentes études, les emplois majoritairement occupés par des femmes figurent parmi les plus exposés à l’automatisation, posant des défis majeurs en matière d’équité professionnelle et de transformation numérique.
Des secteurs féminisés en première ligne face à l’IA
La généralisation de l’IA, en particulier dans ses formes génératives comme les agents conversationnels ou les outils de rédaction automatisée, cible en priorité des tâches routinières et administratives. Or, ces tâches sont au cœur de nombreux métiers largement féminisés – assistant·e·s administratifs, opérateurs de saisie, secrétaires, techniciennes de bureau. Selon l’Insee et l’Observatoire des inégalités, ces professions présentent de fortes probabilités d’être automatisées dans les prochaines années.
Cette vulnérabilité n’est pas fortuite. Historiquement, les femmes ont été sous-représentées dans les filières STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques), qui offrent pourtant les emplois les plus enclins à coexister avec l’IA. Ce décalage structurel fragilise leur position sur le marché du travail, à un moment où les compétences techniques deviennent essentielles à l’employabilité future.
Des chiffres qui inquiètent
Les données sont sans équivoque. Une étude publiée en mai 2025 révèle que 4,7 % des emplois féminins sont à haut risque d’automatisation par l’IA, contre seulement 2,4 % des emplois masculins. L’écart est encore plus marqué dans une analyse conjointe de l’Organisation internationale du travail (OIT) : 9,6 % des emplois occupés par des femmes seraient menacés, alors que moins de 4 % des emplois masculins seraient concernés.
Ces statistiques mettent en lumière une exposition disproportionnée des femmes à la transformation induite par l’IA. Alors que les technologies disruptives sont souvent synonymes d’opportunité, elles pourraient, si rien n’est fait, aggraver les déséquilibres déjà existants entre les sexes sur le plan professionnel.
Des conséquences économiques majeures
Au-delà du risque de perte d’emploi, l’impact de l’IA sur les femmes pourrait aussi se traduire par une accentuation des inégalités salariales. Aujourd’hui, les femmes perçoivent en moyenne 22 % de moins que les hommes. Une accélération de l’automatisation dans leurs secteurs aggravera ce différentiel, en réduisant davantage leur accès à des postes qualifiés mieux rémunérés.
Des observateurs mettent en garde contre une possible marginalisation économique des femmes si aucune action proactive n’est entreprise. « Il est crucial que les femmes soient en position de capter les nouvelles opportunités générées par l’IA », avertissent plusieurs experts des organisations internationales, qui soulignent l’importance de la formation continue et de la reconversion professionnelle.
L’IA, menace ou opportunité ?
Une double lecture s’impose. L’intelligence artificielle ne détruit pas uniquement des emplois : elle en crée aussi. Analystes de données, ingénieures en apprentissage automatique, architectes de systèmes intelligents… Ces professions, souvent bien rémunérées, sont en forte croissance. Pourtant, les femmes restent sous-représentées dans ces nouveaux environnements, en partie à cause de leur faible présence dans les cursus et carrières scientifiques.
Certains experts optimistes considèrent que l’IA pourrait améliorer les conditions salariales globales, à mesure que la demande de compétences évolue. Mais ils reconnaissent également le risque de reproduire – voire renforcer – les disparités si l’accès à ces nouveaux métiers reste inégal.
Chronologie d’une prise de conscience
- Mai 2025 : L’Insee et l’Observatoire des inégalités publient des données alarmantes sur la sur-exposition des femmes à l’automatisation par l’IA.
- 21 mai 2025 : Un rapport de l’OIT confirme que près de 10 % des emplois féminins sont à risque, contre 3,5 % pour ceux des hommes.
- Juin 2025 : Des experts alertent sur la double peine pour les femmes : perte d’emploi et accès limité aux nouveaux métiers de l’IA.
Combler le fossé numérique pour un avenir inclusif
Afin de garantir un avenir professionnel plus équitable, les organisations publiques et privées sont appelées à agir sur plusieurs fronts. Il s’agit notamment d’encourager davantage de femmes à intégrer les filières scientifiques et techniques, d’ouvrir l’accès à des formations aux compétences numériques et de sensibiliser les entreprises aux biais de genre dans leurs politiques de transformation digitale.
Le défi est de taille, mais l’enjeu est crucial : bâtir une économie numérique inclusive où l’IA devient un levier d’émancipation, et non une nouvelle frontière de l’exclusion. Alors que la course à l’automatisation s’intensifie, l’égalité des chances doit rester au cœur de l’innovation technologique.
