Le 1er août 2025, la plateforme de jeux vidéo GOG a lancé un bundle gratuit de 13 titres à télécharger et conserver définitivement, dans le cadre d’une initiative baptisée Freedom to Buy. Cette action, limitée à 48 heures, vise à dénoncer la censure croissante qui touche certains jeux adultes sur les principales plateformes de distribution numérique.
Une riposte face à la censure numérique
Depuis plusieurs mois, l’écosystème vidéoludique fait face à une pression accrue sur les contenus jugés sexuellement explicites ou violents. Des plateformes comme Steam et itch.io ont retiré des centaines de jeux en réponse à des plaintes d’organisations militant contre la représentation de la sexualité et de la violence dans les médias. Cette tendance a suscité une vague de protestations de la part de joueurs et de développeurs indépendants, inquiets de voir disparaître des œuvres légales sous la pression de groupes privés.
Le rôle controversé de Collective Shout
Au cœur de cette controverse se trouve Collective Shout, une organisation australienne qui milite depuis plus d’une décennie contre les contenus qu’elle juge sexistes, violents ou exploitants. L’association a mené par le passé des campagnes ayant entraîné le retrait de titres comme Grand Theft Auto V et Detroit: Become Human des rayons de certains distributeurs.
En 2025, Collective Shout a porté son combat sur le terrain numérique, ciblant le jeu No Mercy, qualifié de “simulation de viol”. Selon l’organisation, ces jeux encourageraient des comportements toxiques dans la société. Elle a multiplié les pressions sur les plateformes de distribution, mais aussi sur les processeurs de paiement comme PayPal, Visa et Mastercard, exigeant le blocage des transactions liées à ces titres.
GOG : une prise de position engagée
Refusant de céder à ce qu’elle qualifie de censure discrète, la plateforme GOG a répliqué avec l’opération Freedom to Buy. Disponible jusqu’au 3 août 19h CST, le bundle inclut des titres controversés comme POSTAL 2, HuniePop, House Party et Leap of Love. Tous les jeux peuvent être ajoutés gratuitement et conservés indéfiniment dans la bibliothèque utilisateur.
GOG justifie cette initiative comme une forme de sauvegarde patrimoniale et un actesymbolique de défense de la liberté créative. L’entreprise souligne que ces jeux, bien que provocants, sont légaux et relèvent de l’expression artistique. « Ce n’est pas à quelques plateformes ou prestataires de paiements de décider unilatéralement ce que les gens peuvent créer ou consommer », peut-on lire dans leur communiqué.
Des divisions profondes dans l’industrie
Cette bataille pour la liberté d’expression dans le jeu vidéo révèle une fracture majeure au sein du secteur. Les partisans de Collective Shout estiment nécessaire d’encadrer des contenus qu’ils jugent dangereux. De l’autre côté, des créateurs estiment que cette forme de pression constitue une dérive extralégale, imposée par des entités privées sans contrôle démocratique ni débat public.
En juillet 2025, une pétition contre la censure a recueilli plus de 100 000 signatures. De nombreux développeurs dénoncent une forme de “blacklisting silencieux”, menaçant la viabilité de leur travail, en particulier lorsqu’il s’agit de contenus pour adultes, d’œuvres expérimentales ou politiquement sensibles.
Le débat s’étend au financement des œuvres
L’un des points centraux du conflit concerne le contrôle exercé par les processeurs de paiement. En bloquant les transactions vers certains éditeurs, Mastercard, Visa ou PayPal deviennent arbitres de ce qui peut exister dans l’économie vidéoludique. Cette dynamique inquiète les défenseurs des libertés numériques, qui pointent le risque d’un précédent dangereux. Pour eux, l’accès à la création ne devrait pas dépendre de l’adhésion éthique ou morale à des critères opaques imposés par des groupes d’intérêts.
Une communauté mobilisée
Les chiffres révèlent l’ampleur de la réaction. Le bundle gratuit proposé par GOG a connu un retentissement immédiat. Des millions de joueurs ont profité de l’occasion pour récupérer les jeux et exprimer leur opposition à cette forme de modération extrême.
Sur TechPi, plusieurs analystes estiment que ce bras de fer entre distributeurs, activistes et auteurs indépendants pourrait redéfinir les équilibres du marché à moyen terme. Des plateformes plus « tolérantes » comme GOG pourraient ainsi capitaliser sur cette dynamique pour fidéliser une nouvelle génération de consommateurs attachés à la diversité éditoriale.
Vers une redéfinition du paysage vidéoludique ?
Alors que la légitimité de certains contenus reste débattue, la question centrale demeure : qui doit décider de ce qui est accessible ou non dans l’espace numérique ? Le cas de GOG met en lumière les tensions croissantes sur les questions de liberté artistique, de responsabilité sociale et de légitimité commerciale.
Pour l’heure, le bundle de GOG agit comme un symbole. Mais il pourrait bien afficher les contours d’un conflit idéologique appelé à durer, à l’aube d’une ère où la censure ne passe plus par les lois, mais par les infrastructures invisibles du numérique.