Pour contrer la domination de Starlink sur les communications spatiales, l’État français prend une position décisive : devenir le premier actionnaire d’Eutelsat. Une manœuvre stratégique et géopolitique de grande envergure, révélée en juin 2025, qui vise à renforcer la souveraineté de la France et de l’Europe dans le secteur spatial.
Une opération soutenue par l’État à hauteur de 717 millions d’euros
Le gouvernement français injectera 717 millions d’euros dans l’augmentation de capital de 1,35 milliard d’euros lancée par Eutelsat. Cette somme portera la part de l’État à 29 % du capital, contre 13 % précédemment, via l’Agence des participations de l’État (APE). Ce mouvement fera de la France l’actionnaire principal du groupe d’ici à la fin de l’année 2025.
Ce changement d’équilibre s’inscrit dans une logique industrielle et stratégique, au moment où les géants américains, en particulier Starlink de SpaceX, accélèrent leur domination dans l’espace.
Eutelsat : pilier européen face à Starlink
Grâce à sa fusion avec OneWeb, Eutelsat aligne aujourd’hui plus de 600 satellites en orbite basse (LEO). Ce volume, bien qu’inférieur à celui de Starlink et ses quelque 6 000 satellites, place Eutelsat parmi les rares opérateurs extra-atlantiques capables de rivaliser sur le front technologique.
La technologie LEO représente un tournant majeur pour les communications. Elle permet de fournir une connectivité Internet rapide et faible latence, notamment dans les zones mal desservies par les réseaux terrestres. En clair, c’est l’infrastructure décisive pour la prochaine génération de connectivité mondiale.
Face à cette accélération, la France entend ne pas rester dépendante d’acteurs extérieurs. « C’est un enjeu de souveraineté », a déclaré Emmanuel Macron, rappelant l’importance de sécuriser les infrastructures essentielles dans un contexte mondial tendu.
Un levier de souveraineté technologique et militaire
Derrière ce soutien étatique massif, se cache un second objectif : la défense nationale. L’État français a récemment signé avec Eutelsat un contrat cadre de dix ans pour un montant pouvant atteindre 1 milliard d’euros. Ce partenariat concerne le programme militaire Nexus, conçu en complément de la constellation géostationnaire Syracuse, dédiée aux communications militaires.
Ce nouvel écosystème spatial renforcera la résilience des communications critiques françaises dans les théâtres d’opérations étrangers, tout en minimisant les risques liés à la dépendance envers les infrastructures étrangères.
Calendrier et perspectives européennes
Le déploiement de cette stratégie s’étalera sur l’année 2025. Une assemblée générale extraordinaire, prévue à l’automne, devrait approuver formellement la montée au capital de l’État. Les fonds récoltés permettront aussi à Eutelsat d’accélérer ses investissements dans le spatial européen.
Ce virage s’inscrit dans une volonté plus large de bâtir une autonomie stratégique européenne. À l’instar du projet Iris², porté par la Commission européenne, l’Europe souhaite concevoir ses propres capacités de télécommunications par satellite, sans dépendre des GAFAM ni des puissances concurrentes comme la Chine.
Face à Starlink, une stratégie fondée sur la coopération et la qualité
Même avec un nombre de satellites inférieur, Eutelsat mise sur une stratégie différente de celle de Starlink. À travers des synergies, comme l’intégration de OneWeb, ou des partenariats publics-privés, l’opérateur européen privilégie une approche qualitative et résiliente.
Loin d’une course au volume, Eutelsat mise sur la fiabilité de ses services, la coopération avec les institutions et le respect des régulations européennes. Cette approche vise à offrir une alternative stratégique crédible dans le marché en pleine tension de l’espace.
Un tournant pour le spatial européen
Cette prise de contrôle d’Eutelsat par l’État la France marque un tournant géopolitique majeur. Cela reflète une volonté d’assurer la souveraineté technologique de l’Europe face aux ambitions ultra-dominantes des grandes puissances.
Dans un monde où la maîtrise de l’espace est désormais aussi cruciale que celle de la terre, de l’air et de la mer, la France entend imposer une voix indépendante et stable dans les télécommunications orbitales. À travers Eutelsat, elle s’arme pour affronter les défis industriels, sécuritaires et économiques de la décennie spatiale à venir.
