Face à l’urgence climatique et à la pression réglementaire croissante, le transport maritime mondial cherche des solutions viables pour réduire ses émissions de dioxyde de carbone. Deux ingénieures, Alisha Fredriksson et Roujia Wen, pourraient bien avoir trouvé une réponse concrète : un système de capture du carbone modulaire, capable de transformer les gaz d’échappement des navires en granulés de calcaire solides. Leur technologie, développée au sein de la société Seabound, ambitionne de décarboner le secteur sans modifier les flottes existantes, une avancée remarquable dans une industrie où les navires polluants sont les plus émettrices de CO₂.

Un piège à carbone sur mesure pour les navires polluants
Le système conçu par Seabound se distingue par sa compacité et sa modularité. Intégré directement sur les cheminées des navires, il capte le CO₂ contenu dans les gaz d’échappement grâce à un sorbant à base de chaux. Cette réaction chimique transforme le dioxyde de carbone en pellets de calcaire, un minéral stable, dense et facile à stocker.
Contrairement aux solutions traditionnelles de capture du carbone, ce système n’implique ni compression à haute pression ni stockage sous forme gazeuse ou liquide. Il s’alimente en grande partie grâce à la chaleur récupérée des gaz d’échappement, limitant ainsi sa consommation énergétique additionnelle. En outre, le calcaire produit peut être réutilisé dans l’industrie du bâtiment ou retraité pour libérer le CO₂ en vue de sa valorisation ou de son stockage permanent.
Flexibilité sans changement de flotte
La grande force de cette innovation réside dans sa capacité à s’adapter aux besoins spécifiques de chaque navire. Le système peut être dimensionné selon les émissions du bâtiment, rendant son adoption possible sur des cargos existants sans modification lourde des infrastructures. Cette approche modulaire répond au besoin urgent du secteur : une décarbonation rapide et efficace sans attendre des renouvellements de flotte, long et coûteux.
En permettant une intégration immédiate, la technologie de Seabound offre une solution de transition accessible, notamment en attendant que les carburants bas-carbone deviennent économiquement compétitifs et abondamment disponibles.
Un contexte réglementaire en mutation
L’Organisation maritime internationale (OMI) a récemment fixé un objectif clair : réduire à zéro les émissions nettes du transport maritime d’ici 2050. Ce plan prévoit une mise en œuvre progressive dès 2027, via des normes mondiales sur les carburants et une tarification des émissions de carbone. Dans ce contexte, les technologies de capture à bord, comme celle de Seabound, deviennent des leviers stratégiques pour les armateurs souhaitant rester compétitifs tout en répondant aux nouvelles obligations climatiques.
D’autres acteurs, tels que Captura, explorent également des voies complémentaires, notamment la capture directe du carbone océanique, misant sur le rôle naturel des océans comme puits de carbone. Bien qu’efficace sur le principe, cette méthode n’en est encore qu’au stade pilote, tandis que la proposition de Seabound s’ancre déjà dans des essais concrets à bord de navires.
Défis pour le déploiement massif
Si la technologie semble prête, son déploiement à grande échelle dépendra de plusieurs paramètres clés : la rentabilité économique dans un secteur à faible marge, la facilité d’installation dans les ports, et l’acceptation par les exploitants de flottes. Des incitations réglementaires ou fiscales pourraient accélérer son adoption, tout comme la montée du prix du CO₂ sur les marchés internationaux.
Ashore, des sociétés telles que Aker Carbon Capture ou SLB Capturi investissent massivement dans la capture du carbone terrestre. Mais pour répondre à la spécificité du secteur maritime, une solution embarquée comme celle proposée par Seabound se démarque par son caractère immédiatement applicable et potentiellement transformateur.
Vers une transition maritime nette zéro
L’innovation d’Alisha Fredriksson et Roujia Wen ouvre une voie technique réaliste vers la réduction des émissions du transport maritime. En convertissant le CO₂ en matériau solide réutilisable, leur système combine performance environnementale et simplicité opérationnelle. Si son potentiel est pleinement exploité, il pourrait jouer un rôle déterminant dans l’atteinte des objectifs zéro émission fixés pour 2050.
Dans un secteur longtemps perçu comme difficile à décarboner, cette solution marque une percée prometteuse. Associée aux nouvelles politiques carbone, elle contribue à inscrire durablement le transport maritime sur la voie d’une transition écologique crédible.