Apple semble prêt à franchir un nouveau cap avec sa prochaine génération de puces M5. Selon un rapport récent, le géant californien devrait poursuivre une stratégie amorcée discrètement avec la puce M4 : abandonner l’architecture SoC monolithique unifiée qui a fait la renommée d’Apple Silicon, au profit d’un design plus modulaire. Une évolution qui pourrait redessiner la feuille de route des Mac haut de gamme.
La fin d’un modèle unifié pour les Mac les plus puissants
Lancée en 2020, la puce M1 a marqué une rupture notable avec les processeurs Intel, introduisant une architecture SoC unifiée innovante. CPU, GPU, mémoire et contrôleurs étaient regroupés sur une seule puce, réduisant la latence et maximisant l’efficacité énergétique. Cependant, avec la M4 dévoilée en 2024, Apple aurait franchi un pas vers une architecture hybride qui pourrait servir de transition vers une refonte plus radicale avec la M5.
À partir de 2025, Apple prévoit de proposer des versions M5 Pro, Max et Ultra reposant sur une architecture 2.5D. Cette approche repose sur une nouvelle technique de packaging développée avec TSMC nommée SoIC-mH, qui permet de regrouper plusieurs puces dans un même boîtier tout en les maintenant physiquement séparées.
Pourquoi séparer CPU et GPU : une décision stratégique
Ce changement représente un tournant. En scindant le CPU et le GPU, Apple espère améliorer les rendements de production, mieux maîtriser la dissipation thermique et augmenter la scalabilité des performances. Cela pourrait se traduire par une amélioration notable des usages professionnels comme le calcul scientifique, la modélisation 3D ou l’intelligence artificielle.
Concrètement, seul le modèle de base M5 – destiné aux MacBook Air et iPad Pro – conservera une puce unifiée. Les variantes haut de gamme adopteront ce format modulaire, favorisant une conception plus flexible et des configurations sur mesure selon les besoins matériels.
Le N3P de TSMC, clé de voûte du projet M5
Ce basculement architectural s’appuie sur un nouveau procédé de gravure : N3P, développé par TSMC. Ce node améliore les performances par watt sans nécessiter un changement radical dans les outils de conception. Le prototypage des premières puces M5 utilisant cette technologie est déjà prévu pour fin 2024.
La combinaison du packaging 2.5D et du N3P promet des innovations en série. Elle permettrait à Apple de concevoir des dies plus spécialisés, aux performances optimisées, tout en maîtrisant les coûts de production pour des puces de très grand gabarit comme les futures M5 Ultra.
Un calendrier de lancement réajusté
Ce changement technique entraîne une reconfiguration du calendrier de sortie. Le M5 classique, destiné aux appareils légers, comme les futures itérations de l’iPad Pro, est prévu pour l’automne 2025. En revanche, les modèles M5 Pro et Max devraient voir leur lancement repoussé au début 2026 au lieu de l’automne 2025, comme initialement envisagé.
Le M5 Ultra, format le plus ambitieux et probablement dédié aux Mac Studio et Mac Pro, ne devrait quant à lui pas arriver avant 2026. Cela laisse présager une nouvelle phase dans la stratégie de mise à jour des ordinateurs professionnels Apple, plus régulière et alignée sur une cadence annuelle, à l’image des iPhone.
Les implications pour l’écosystème Mac
Cette évolution pourrait prolonger les cycles de mise à jour produits, notamment pour les MacBook Pro, en raison des défis techniques liés au packaging. Cela dit, elle ouvre aussi la voie à des machines mieux calibrées pour les besoins spécifiques des professionnels de l’image, de la donnée ou du développement IA. En segmentant ses puces, Apple opère un mouvement analogue à une boîte à outils interchangeable, potentiellement plus intrusive mais bien plus adaptable.
La question reste néanmoins ouverte sur les implications de l’abandon de la mémoire unifiée. L’un des piliers de la philosophie Apple Silicon, cette architecture partagée entre CPU et GPU, permettait une gestion fluide des données. Sa dislocation pose des défis de synchronisation et de transfert qui devront être résolus pour éviter une dégradation des performances dans certains flux complexes.
Une réponse aux exigences de puissance et d’intelligence artificielle
L’intégration fine entre les composants demeurait jusqu’ici la carte maîtresse d’Apple. Avec la série M5, Cupertino semble faire évoluer son paradigme pour intégrer davantage de modularité, probablement en réaction aux limites de scalabilité rencontrées dans le SoC unifié lors de charges extrêmes ou dans des environnements serveur.
Les analystes y voient une volonté de repositionner Apple dans l’univers du calcul haute performance, un domaine traditionnellement dominé par des architectures plus ouvertes et modulaires. La montée de l’IA joue aussi un rôle crucial. À mesure que l’apprentissage automatique se généralise dans les produits et les services, les besoins en calcul parallèle explosent, justifiant de redéfinir les rapports entre CPU, GPU et moteurs d’inférence.
Perspectives technologiques et stratégiques
Sur le long terme, cette architecture 2.5D pourrait offrir à Apple une base pour construire des puces encore plus modulaires, où les composants seraient assemblés à la carte selon les besoins applicatifs. Cela positionnerait mieux la gamme Mac dans les marchés émergents du cloud personnel, de la visualisation 3D ou de l’inférence IA locale.
Ce changement structurel pourrait également redéfinir le paysage concurrentiel entre les fabricants de semiconducteurs. En combinant une chaîne verticale maîtrisée et une adoption pragmatique des innovations de TSMC, Apple s’assure une marge de manœuvre unique dans une industrie en recomposition constante.
Une feuille de route à surveiller de près
La sortie du M5 marquera d’abord le lancement du processeur de base dans les terminaux mobiles au second semestre 2025, avant que les variantes Pro et Max n’arrivent début 2026. Le M5 Ultra, pièce maîtresse de la gamme professionnelle, clôturera la séquence. Chaque étape offrira des indices supplémentaires sur les ambitions d’Apple pour ses ordinateurs professionnels de demain.
Derrière les choix techniques se devine un repositionnement stratégique majeur. Apple ne cherche pas uniquement à repousser les limites de la puissance brute, mais à renouer avec une forme d’agilité matérielle qui pourrait lui ouvrir de nouveaux marchés.