Amazon, Google et Microsoft veulent bloquer toute régulation de l’IA pendant dix ans

Amazon, Google et Microsoft veulent bloquer toute régulation de l’IA pendant dix ans

Les géants technologiques américains veulent verrouiller la régulation de l’intelligence artificielle (IA) pour une décennie. Amazon, Google et Microsoft militent activement pour un moratoire fédéral de dix ans empêchant les États américains de légiférer sur l’IA. Soutenu par une proposition budgétaire controversée, ce gel réglementaire a déclenché une tempête politique et sectorielle aux États-Unis.

Un moratoire national pour neutraliser les États

Le 22 mai 2025, la Chambre des représentants a adopté le One Big Beautiful Bill Act (OBBBA) contenant une clause majeure : une interdiction de dix ans pour les États et les collectivités locales de réguler l’IA. Initié par le sénateur républicain Ted Cruz, ce projet vise à empêcher toute réglementation locale qui pourrait freiner l’adoption ou le développement de systèmes d’intelligence artificielle.

Cette disposition couvre un éventail étendu de lois, incluant la transparence algorithmique, la publicité politique assistée par IA, ou encore l’usage d’algorithmes dans l’emploi, la santé et l’assurance. Autrement dit, pendant dix ans, les États n’auraient aucun pouvoir sur les implications concrètes de l’IA dans la vie quotidienne des citoyens.

Un lobbying intensif des Big Tech

Le soutien massif des entreprises technologiques s’est organisé autour de groupes de pression puissants. Amazon, Google et Microsoft, principaux moteurs de cette initiative, affirment que l’uniformité réglementaire est cruciale pour éviter un patchwork législatif à travers les États.

Ils estiment que ce moratoire permettra aux startups de se développer sans faire face à un éventail incohérent de lois. Ces entreprises avancent aussi que le Congrès a besoin de temps pour adopter un cadre réglementaire national solide et cohérent. Sans cela, l’innovation américaine pourrait être freinée dans la course mondiale à l’IA.

Des voix discordantes dans l’industrie et au Congrès

Mais la proposition ne fait pas l’unanimité. En réalité, elle fracture aussi bien le Parti républicain que l’industrie technologique elle-même. Plusieurs entreprises de taille intermédiaire et des professionnels de l’éthique technologique rejettent cette approche. Selon eux, l’absence de réglementation locale fragilise la protection des utilisateurs et offre un blanc-seing aux grandes plateformes.

Les législateurs démocrates dénoncent quant à eux une manœuvre favorable aux géants de la tech. Pour eux, ce moratoire agit comme un bouclier juridique contre toute responsabilité, laissant les consommateurs sans défense face aux biais algorithmiques, à la désinformation automatisée ou encore à l’exploitation de données personnelles.

Ils rappellent que plusieurs États ont adopté leurs propres lois en réponse à la lenteur du Congrès et aux risques émergents de l’IA. Le moratoire pourrait ainsi anéantir des années de travail législatif local.

Une bataille juridique en perspective

Ce gel réglementaire pourrait aussi entraîner des défis constitutionnels majeurs. Des juristes évoquent une possible violation du 10e amendement de la Constitution américaine, qui garantit aux États le pouvoir de légiférer sur des sujets non explicitement réservés au gouvernement fédéral.

L’enjeu est historique : faut-il centraliser la régulation d’une technologie aussi puissante et transformative que l’IA, ou permettre aux États de réagir en temps réel selon leurs contextes locaux ?

Un impact direct sur la santé, l’emploi et la société

Certains secteurs, notamment la santé, pourraient bénéficier à court terme d’une réglementation simplifiée. Les hôpitaux et assureurs utiliseraient alors plus librement des outils algorithmiques pour diagnostiquer ou prédire des maladies, simplifier leurs procédures et réduire leurs coûts.

Mais cette accélération technologique comporte des risques. Des erreurs de diagnostic, des décisions discriminatoires automatisées ou des atteintes à la vie privée deviennent plus probables sans garde-fous locaux. Ces dérives potentielles expliquent aussi l’opposition de nombreuses associations de défense des droits civiques et de la vie privée.

Prochaines étapes et avenir politique incertain

Le projet de loi adopté par la Chambre doit désormais passer entre les mains du Sénat. Son sort reste incertain, alors que plusieurs sénateurs républicains expriment des réserves sur les conséquences du texte. La pression monte des deux côtés : les industriels accélèrent leur lobbying, tandis que les défenseurs d’une régulation responsable alertent sur les risques pour la démocratie et la souveraineté locale.

Pour l’heure, l’équilibre des forces reste fragile. Une bataille politique et juridique s’engage, qui pourrait redéfinir le rôle des États américains dans l’ère de l’IA générative. Suivez les développements sur TechPi pour une couverture continue de cette controverse grandissante.

Pour lire l’article source du Financial Times, consultez cette analyse détaillée (en anglais).

Clara Besson TechPi
Clara Besson

Clara Besson est rédactrice web chez TechPi.fr, où elle explore les intersections entre technologie, innovation durable et culture numérique. Avec un parcours en sociologie et communication, elle apporte un regard analytique et humain sur les grandes tendances tech.

Arrivée chez TechPi.fr en 2023, Clara s’attache à raconter la technologie autrement : en mettant en lumière ses usages concrets, ses impacts sociaux et ses implications éthiques. Elle rédige notamment sur les mobilités intelligentes, l’économie circulaire digitale et les initiatives tech à impact positif.

Hors clavier, Clara aime flâner dans les librairies indépendantes, tester des apps éco-responsables et débattre autour d’un café sur le futur du numérique.

Contacter Clara : clara.besson@techpi.fr

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