IA : une bulle boursière à 19 000 milliards de dollars menace les marchés, selon Goldman Sachs

Le marché boursier a déjà intégré l’explosion de l’intelligence artificielle, selon une analyse de Goldman Sachs, avec un excès de valorisation estimé à 19 000 milliards de dollars au-dessus de l’impact économique réellement observé. Ce constat alimente le débat sur une potentielle bulle spéculative, alors même que les promesses de l’IA commencent à peine à se matérialiser dans l’économie réelle.

Un engouement boursier massif propulsé par l’IA

Depuis 2023, l’IA, en particulier l’IA générative, a capté l’imaginaire des marchés financiers. Les actions liées à l’IA et aux technologies numériques ont porté près de 75 % des gains du S&P 500. Derrière cette euphorie, l’idée que l’IA pourrait révolutionner la croissance mondiale alimente des projections ambitieuses.

Certains analystes anticipent une accélération de la croissance du PIB mondial de 20 à 30 % annuels, tandis que des estimations plus prudentes misent sur un supplément de 1,3 point de pourcentage par an d’ici 2034. Le FMI reconnaît d’ailleurs la puissance de l’IA comme moteur de productivité à long terme.

Une valorisation exubérante en avance sur l’économie réelle

Goldman Sachs affirme que les marchés ont déjà intégré le boom de l’IA, avec une avance de 19 000 milliards de dollars de valorisation. Autrement dit, les investisseurs ont parié sur des profits futurs qui ne se sont pas encore concrétisés.

Cette surévaluation rappelle des précédents marquants. Dans les années 1920, l’électrification et l’automobile ont suscité une euphorie comparable. Dans les années 1990, l’Internet a déclenché une bulle technologique où des start-up non rentables atteignaient des milliards de capitalisation. Dans les deux cas, la promesse technologique était bien réelle — mais les marchés avaient anticipé des bénéfices trop précocement.

Investissements massifs, retombées incertaines

L’écosystème IA est déjà le théâtre de dépenses colossales. De grands acteurs du cloud comme Amazon, Google, Microsoft, Meta et NVIDIA devraient dépenser plus de 1 000 milliards de dollars entre 2024 et 2027 en infrastructure technologique. NVIDIA, notamment, a vu son chiffre d’affaires bondir à 61 milliards de dollars, contre seulement 4 milliards en 2014.

Mais l’adoption rapide ne garantit pas une rentabilité immédiate. En 2024, 72 % des entreprises ont intégré une forme d’IA, contre 55 % un an plus tôt, selon McKinsey. Pourtant, seul un nombre limité en extrait un retour sur investissement tangible. Les PME et ETI, par exemple, ne sont que 32 % à utiliser effectivement l’IA, malgré l’importance déclarée du sujet pour 58 % des dirigeants interrogés.

Entre promesses économiques et obstacles structurels

Le potentiel transformateur de l’IA demeure controversé. Certains économistes, comme Daron Acemoglu du MIT, estiment que seul 5 % des tâches peuvent être remplacées à moindre coût, limitant l’effet net de l’IA sur la croissance mondiale à un modeste 1 à 2 % du PIB.

De plus, une barrière majeure tient à la consommation énergétique des centres de données. Le FMI alerte sur des hausses potentielles du coût de l’électricité, capables de freiner l’adoption massive de l’IA. À moyen terme, cette pression sur les réseaux pourrait déclencher 1,7 gigatonne de CO₂ supplémentaire par an, l’équivalent des émissions énergétiques de l’Italie sur cinq ans.

Une dynamique hétérogène selon les régions

Les bénéfices potentiels de l’IA devraient profiter principalement aux États-Unis, avec une croissance prévue du PIB de 5,4 %. L’Europe suivrait avec un gain estimé à 4,4 %, contre moins de 3 % pour les économies émergentes. Cette disparité s’explique par des inégalités d’accès à la technologie, à l’infrastructure et aux talents spécialisés.

Des risques de concentration et d’exclusion

La transformation du marché du travail reste incertaine. L’OCDE estime que 16 % des emplois actuels pourraient disparaître et que 33 % seraient remodelés par l’automatisation partielle. Si l’IA permet l’émergence de nouveaux métiers, les gains de productivité pourraient avant tout bénéficier à une minorité d’entreprises dominantes.

Sans rééquilibrage socio-économique, cette dynamique risque de renforcer les inégalités. Les géants technologiques pourraient accroître leur mainmise sur les chaînes de valeur mondiales, accentuant les déséquilibres déjà visibles.

Vers une correction ou une consolidation ?

Le parallèle historique dressé par Goldman Sachs invite à la prudence. L’expérience montre que les investisseurs surestiment souvent la rapidité à laquelle une innovation atteindra son potentiel économique maximal. Même si l’IA transforme bel et bien l’économie, cela ne garantit pas que les valorisations actuelles soient justifiées à court terme.

Le véritable enjeu pour les marchés aujourd’hui n’est pas de savoir si l’intelligence artificielle aura un impact majeur, mais plutôt quand cet impact se matérialisera vraiment. Et s’il viendra à temps pour valider les valorisations déjà intégrées dans les cours boursiers.

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